Faut-il prendre en compte la sismicité dans la conception des ouvrages en Côte d’Ivoire?

Un bâtiment incliné suite à séisme

Prolégomènes

Une des opinions les mieux partagées dans la Construction en Côte d’Ivoire est qu’il n’y a pas lieu de se préoccuper de la parasismicité de nos ouvrages. Pourtant ni le passé historique récent de la région, ni l'état des connaissances de la géologie de l’Afrique de l’Ouest en général et de la Côte d’Ivoire en particulier n’autorisent une telle conclusion hâtive de la part des acteurs de la Construction. Cela nous préoccupe d’autant plus qu’il n’existe pas a notre connaissance d'études précises et documentées sur les risques de sismicité et leurs conséquences sur les ouvrages construits. Du coup qu’est ce qui nous autorise de façon rationnelle à ne pas prendre en compte dans la conception de nos ouvrages des dispositions parasismiques?

Le présent article se veut une sensibilisation sur le risque réelle de catastrophes sismiques pouvant affecter le territoire ivoirien et une contribution en prélude à des travaux plus détaillés sur cette question.

La parasismicité des ouvrages n’est pas une affaire de sismologue mais relève des problématiques d’ingénierie de la Construction. Pour rappel, la parasismicité est l'étude du comportement des bâtiments et structures sujets à un chargement dynamique de type sismique et la réalisation de bâtiments et infrastructures résistant aux séismes. Elle est une discipline qui : s’appuie sur la sismologie pour comprendre le phénomène du séisme se base sur les sciences de l’Ingénieur pour modéliser les événements et leur impact sur les constructions humaines mobilise les Technologies de la Construction pour bâtir des ouvrages résistant aux tremblements de terre et leurs effets collatéraux.

Quelques éléments de Géologie de la Côte d’Ivoire

Le socle sur lequel repose la Côte d’Ivoire appartient au craton Ouest Africain. Ce craton associé au craton du Kalahari, celui du Congo, le métacraton du Sahara et le craton de Tanzanie, forme la plaque africaine qui elle-même fait partie du Gondwana, l’Ancien Super-Continent qui réunissait l’Afrique et l'Amérique du Sud avant l’ouverture de l’Atlantique Sud par la dérive continentale.
La dérive des plaques en image GIF
La dérive des continents source: Par Rollingfrenzy — Travail personnel, CC BY-SA 4.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=44571770

Depuis 200 Millions d’années, le socle de la Côte d’Ivoire n’a subi aucune régénération et est demeuré stable. Par contre la bordure Sud de ce socle ivoirien, reposant sur la marge continentale, là où se trouve maintenant le bassin sédimentaire, a sans cesse évolué du fait de l’ouverture de l’Atlantique Sud.

En géologie, une faille est une structure tectonique consistant en un plan ou une zone de rupture le long duquel deux blocs rocheux se déplacent l'un par rapport à l'autre. Lorsqu’il se produit un glissement rapide (quelques secondes à quelques dizaines de secondes) sur le plan d’une faille, des contraintes accumulées de façon élastique pendant une longue période intersismique sont brusquement relâchées causant les tremblements de terre. Dans la mesure où il n’est pas possible en l'état actuel de la technologie de mesurer ces déplacements, on n’arrive pas encore a predire des tremblements de terre ni leur intensité.

Les études structurales de la marge continentale ouest-africaine ont permis de constater l’existence de failles. Celles-ci sont distinguées en deux (02) deux familles distinctes de failles. D’abord, des failles de distension orientée Est-Ouest qui ont eu pour effet, l’effondrement vers le sud de la marge continentale. Une faille de ce type passe à Treichville. Elle a un rejet vertical de 3500 mètres qui a été mesuré dans les forages pétroliers effectués dans les environs d’Abidjan. Ensuite les fractures qui prolongent les failles transformantes observables dans l’Atlantique Equatorial, notamment les fractures de “la Romanche” et du “Chain” orientées EEN-WWS, entre lesquelles se situe la Côte du Golfe de Guinée. Les failles transformantes sont des failles de décrochement qui ont joué sans arrêt depuis l’ouverture de l’Atlantique.
Les failles de la marge continentale ouest-africaine.
Les failles tectoniques de l'Afrique de l'Ouest
Ainsi, le socle sur lequel repose la Côte d’Ivoire contient des failles dont le champ d’influence comprend la zone d’Abidjan et sa côte et dont l’activité est susceptible de produire des séismes de magnitude allant de faible à grande sans qu’il ne soit possible de prévoir ceux-ci.

Quelques évènements sismiques régionaux

Le foyer sismique le plus proche d’Abidjan est celui d’Accra (Ghana) sur la Côte du Golfe de Guinée où des séismes destructeurs se sont produits en 1862 - 1906 - 1939 et 1969. Ce foyer sismique est situé sur la fosse de la “Romanche”.

Le séisme du 22 juin 1939 a été ressenti à Abidjan et à Grand-Bassam au 5ème degré de l’échelle internationale. Il a été noté des fissures dans les maçonneries de certaines maisons coloniales. Une maison administrative a été entièrement fissurée suivant 3 plans verticaux distants de 1,50 m. Le mur Sud d’une maison en banco dans le quartier d’Adjamé a été complètement cisaillé à sa base sur une longueur de 3,50 m et déplacé de 15 cm vers le Nord. A cet époque, aucun immeuble de plus de 5 étages, ni aucune tour, n’avaient été construits à Abidjan. L’épicentre était situé, en mer, 55 km au Sud d’Accra où le séisme a été ressenti au 9ème degré de l’échelle internationale (désastreux).

Plusieurs séismes (l’intensité n’a pas été mesuré) ont été ressentis les 4 - 5 et 16 Avril 1950 à Toumodi et Dimbokro, en Côte d’Ivoire.

Plus récemment dans la nuit du 12 Août 2012, un séisme de faible intensité qui n’a fait aucun dégât matériel a été ressenti a Ahouanou, Irobo et dans la zone de Grand-Lahou. Le lundi 04 décembre 2017 un séisme s’est également produit dans la zone de Divo avec une faible intensité et sans dégât matériel.

Pertinence d’une réflexion analytique et prospective sur une sismicité de la Côte d’Ivoire

Les informations données plus haut emmènent les constats suivants:
  • Il est reconnu que les territoires voisins d’Accra (Ghana) présentent une sismicité non négligeable.
  • la géologie structurale du socle sur lequel repose le territoire ivoirien révèle la présence de fractures (failles transformantes et failles à rejet vertical dont il fut question plus haut) qui témoignent d’une tectonique importante sur la bordure Sud du craton Ouest-Africain, et notamment dans la région d’Abidjan.
  • des cas de séismes ont déjà été ressenti dont au moins un atteignant une magnitude de 5 sur l'échelle internationale.
Certes la présence de la station géophysique de LAMTO à Toumodi permet de suivre l’activité sismique de la région, toutefois on ne sait toujours pas prévoir l'occurrence des tremblements de terre. Aussi ne serait-il pas superflu que des études pour analyser d’une manière plus approfondie les conséquences à tirer d’une éventuelle sismicité de la Côte d’Ivoire sont plus que nécessaires pour une bonne gestion des risques. Celles-ci devront permettre de voir dans les codes actuellement en vigueur et utilisés pour la Construction s’il ne faut pas prendre des dispositions parasismiques pour nos ERP déjà construits ou à construire.

Références

  • J. Simonet (1976), le béton en Côte d’Ivoire sa composition, ses constituants, son contrôle, rapport du LBTP. 
  • Jean Mascle et al (1989), les marges continentales transformantes Ouest-Africaines, Laboratoire de Géodynamique sous-marine Villefranche-sur-mer, Université Pierre et Marie Curie, Rapport scientifique. 
  • Vassilios Mamaloukas-Frangoulis (1992), les zones de fractures océaniques, l’exemple des Z.F Vema et Romanche, UBO, these. 
  • Lubkowski, Zygmunt & Campbell, Grace & Villani, Manuela & Polidoro, Barbara. (2018). A seismic source model for West africa consulté le 23/11/2018, - url: https://www.researchgate.net/publication/325988747_A_SEISMIC_SOURCE_MODEL_FOR_WEST_AFRICA.

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Le saviez-vous #3: ICE, le plus vieux corps d'ingénieurs civils encore en activité.

Institution of Civil Engineers (ICE) est le plus vieux corps d'ingénieurs civils au monde encore en activité.
Elle a été créé dans un café à Londres en 1818 par 08 ingénieurs dont le plus jeune avait 19 ans!
En 2018, l'Institution célèbre ses 200 ans d'existence. Elle compte aujourd'hui plus de 92 000 membres répartis dans le monde entier.

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Le saviez-vous #2: Premiers ingénieur.e.s civil.e.s diplômé.e.s par la Côte d'Ivoire

La première promotion d'ingénieurs civils, formés et diplômés par le système éducatif ivoirien, est sortie en 1967. Elle fut composée de 04 personnes:

  • M. Bahi Kohimiré
  • M. Koffi Amani
  • M. Ibo Okou
  • Martin Serge

Il faudra attendre la 16ème promotion, sortie en 1982, pour voir la Côte d'Ivoire diplômer sa première femme avec Mme DOSSO Malonan épse FADIGA.

source de l'image: Students by Wilson Joseph from the Noun Project

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Le Saviez-vous #1: l'Ingénierie civile



L'Ingénierie civile est la seconde plus vieille discipline de l'ingénieur après l'Ingénierie militaire. Le mot «ingénieur» est dérivé du terme latin «ingenium», signifiant «talent inné» ou «habilité».
En Europe, jusqu’au 18ème siècle, l’épithète était réservée aux militaires qui confectionnaient les machines de guerre et les fortifications. En Afrique de l’Ouest, la fonction d’ingénieur a été tenu par les forgerons pendant de millénaires.


Prochain article: 12/11/2018 So stay connected and enjoy your job this week!
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